Longue marche France – Pologne | Jour 46 | Cumul 720 kms

« Soyez les bienvenus, malgré nos apparences »

Tandis que je bois le verre d’eau fraîche que vient de nous apporter Gérard* à la demande de Louise, je tombe sur cette phrase. Écrite sur un bâton de pèlerin, au-dessus de la porte d’entrée de la maison.

Mon hotesse me reçoit dans une sorte de véranda. Un sas entre les mondes. Elle a les cheveux gris, une jupe simple et autour du cou, la croix pèlerine.

« Vu la couleur du ciel, tu as eu de la chance! », me lance Gérard en posant ses mains sur son ventre rond comme la Terre.

Deux jours à pied de Lyon à zigzaguer entre les orages.

Je reste intriguée. Gérard ne me semble pas avoir un rapport de mari à épouse avec Louise.

« Mamie, c’est qui? »

Un enfant se tient soudain devant moi, les cheveux en bataille. Bientôt, ils sont quatre. Aux sourires éclatants.

Déboule alors un autre homme, me tendant la main en souriant. Henri*. Il n’a plus de dents. Deux piercing aux oreilles. Se tient tout grand sur son corps hésitant. Fier de quelque-chose.

« C’est moi que vous avez eu au téléphone! »

Louise a-t-elle deux maris?

Elle lui demande de me conduire à la chambre St Lazare.

Réactif comme un feu d’été, Henri s’empare de mon sac. C’est la 1ère fois que je laisse quelqu’un le porter. Tout comme Gérard, il semble avoir un tel plaisir à servir.

Je rencontre les autres habitants de cette maison, au croisement des chemins de Compostelle et St Françoise d’Assise. Un albanais malicieux avec un œil à moitié fermé, une brésilienne aux traits fatigués.

Ils viennent à moi. Dans la véranda. En passant sous le bâton des apparences, j’accepte d’entrer dans leur monde.

Tout au long de la soirée, Louise me raconte l’histoire du lieu, dédié à la grande précarité depuis plus d’une trentaine d’années.

Alors que nous prenons un temps dans la chapelle, elle me demande si je peux lui rendre un service.

« Quand Gérard est arrivé ici, il était très violent avec les autres. Je l’ai pris dans mes bras un si grand nombre de fois. J’aimerais te le confier »

Émue, je me souviens du matin. De ce moment où j’ai tant hésité à prendre ce chemin qui pourtant, m’attirait invariablement.

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– Laura Lalande

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